VITREUX (ÉTAT)

VITREUX (ÉTAT)
VITREUX (ÉTAT)

La matière, en dehors des états solide, liquide et gazeux, peut exister sous d’autres formes, telles que vitreuses ou mésomorphes, le verre ordinaire en étant un exemple.

La définition de l’état vitreux n’est pas aisée; elle peut être formulée de différents points de vue, en réalité complémentaires car, pris isolément, ils se révèlent tous insuffisants.

Dans une définition courante, le verre est présenté comme un solide obtenu par figeage d’un liquide , qui ne cristallise pas au cours d’un refroidissement suffisamment rapide. Mais cette description n’est pas convenable pour un petit nombre de matériaux vitreux obtenus par d’autres méthodes que le refroidissement d’un liquide, telles que la condensation d’une phase vapeur sur un support refroidi ou les procédés sol-gel.

Dans une définition structurale, le verre est décrit comme un solide non cristallin , dans lequel chaque atome conserve son environnement caractéristique de l’état cristallin, plus ou moins distordu, tandis que l’arrangement des seconds voisins est très perturbé par rapport à celui du cristal. On peut encore dire que le verre est formé par un assemblage tridimensionnel désordonné de groupements structuraux fondamentaux, semblables à ceux de l’état cristallin. Mais cette description est trop large, car elle englobe des matériaux amorphes qui ne sont pas habituellement classés parmi les verres. Une présentation thermodynamique décrit le verre comme un matériau hors d’équilibre , présentant donc un contenu d’énergie interne supérieur à celui des produits cristallisés correspondants, mais dont le retour à une situation d’équilibre stable, c’est-à-dire la cristallisation, ne peut se faire même après des durées considérables. Dans une dernière définition, de type phénoménologique, qui fait intervenir un facteur cinétique, l’état vitreux sera caractérisé par la présence d’une transition vitreuse , qui est une transformation caractéristique observée au refroidissement, lors du passage d’une phase liquide surfondue à une phase vitreuse, ou, inversement, à l’échauffement du verre au liquide surfondu.

Finalement, avec Jean Zarzycki, nous juxtaposerons deux définitions: «Le verre est un solide non cristallin présentant une transition vitreuse.»

Des matériaux vitreux organiques ont été obtenus. Leurs caractères étant assez particuliers, nous n’envisageons ici que l’état vitreux inorganique.

1. Procédés d’obtention des verres

Habituellement, lorsqu’un produit fondu est progressivement refroidi, il cristallise à une température bien définie qui est égale à celle de sa fusion. Cependant, si l’on réfrigère suffisamment rapidement certains matériaux, ils peuvent franchir ce point sans cristalliser, et passer à l’état de «liquides surfondus». En poursuivant l’opération, la viscosité du liquide augmente rapidement, atteignant une valeur élevée, voisine de 1012 Pa . s. La transition qui conduit à l’état vitreux apparaît alors. De ce point de vue, le verre peut être considéré comme un liquide figé. Il possède en effet une structure dépourvue d’ordre à longue distance. Cependant, si, dans les liquides, les molécules ou les assemblages atomiques ont en permanence des déplacements relatifs importants, dans les verres, au contraire, ceux-ci deviennent impossibles et seules les vibrations thermiques autour de positions moyennes fixes se produisent, semblables à celles qui sont observées dans les critaux.

La vitesse de refroidissement nécessaire pour obtenir l’état vitreux à partir d’un matériau liquide dépend de sa nature chimique. Certains composés purs, tels que B23, ou certains mélanges, tels ceux d’oxydes habituellement utilisés dans le verre ordinaire (70 Si2, 20 Na2O, 10 CaO), aboutissent à l’état vitreux même à la suite de refroidissements relativement lents; le contact de l’air suffit alors à la transformation de la masse fondue. D’autres matériaux ne peuvent être obtenus à l’état vitreux qu’à la suite de réfrigérations très rapides, appelées trempes, de telle sorte que la cinétique du refroidissement puisse l’emporter sur celle, même très rapide, de la cristallisation. Dans certains cas, il est nécessaire de recourir à des vitesses extrêmement élevées, de l’ordre de 106 0C par seconde, pour atteindre l’état vitreux: c’est le cas en particulier des alliages métalliques non cristallins obtenus par les procédés d’ultratrempe.

Si le figeage par refroidissement d’un liquide est le procédé usuel d’obtention des verres massifs, d’autres procédés ont été élaborés qui permettent l’obtention de matériaux non cristallins. Sans chercher à être exhaustif, citons les plus représentatifs.

Procédés sol-gel

Partant d’une solution, certaines réactions de précipitation conduisent à des gels, qui peuvent ensuite être transformés en verre compact par chauffage modéré. Par exemple, une solution d’alcoxyde Si (OR)4 donne par hydrolyse un gel d’hydroxyde Si (OH)4 qui se déshydrate spontanément en formant un gel de silice. Des cations peuvent être simultanément coprécipités dans le gel. Le chauffage de ce gel, parfois sous pression, conduit à un verre de silicate à partir de compositions pour lesquelles un produit vitreux ne pourrait être obtenu par simple figeage du liquide.

Évaporation sous grand vide

L’évaporation suivie de condensation sur un support éventuellement refroidi conduit également à des matériaux non cristallins, sous forme de couches minces.

Pulvérisation cathodique («sputtering»)

Un matériau cristallin, constituant la cathode du dispositif, est bombardé par un faisceau d’ions positifs. Sous l’effet de ce bombardement, des particules sont arrachées du matériau et vont se concentrer sur une plaque anodique, formant une couche mince non cristalline.

Procédés d’ultratrempe

Les procédés d’ultratrempe reposent sur l’écrasement d’une goutte du mélange fondu dans des dispositifs appropriés: entre deux rouleaux métalliques tournant à grande vitesse l’un contre l’autre (Anthony), ou entre deux pièces métalliques qui se choquent brusquement (Pietrokowsky). La méthode du splat cooling (Duwez) est à rapprocher des précédentes; dans celle-ci, une onde de choc provenant de l’explosion d’un gaz projette une goutte de liquide qui vient s’écraser sur une paroi froide. Ces méthodes ne permettent d’obtenir que de fines pellicules de verre.

L’état vitreux sera obtenu non seulement avec des silicates, mais avec des borates, des germanates, des phosphates, des arséniates, et aussi avec des matériaux où l’oxygène n’intervient plus et est remplacé par d’autres non-métaux, des colonnes IV a , V a et VI a du tableau périodique, tels que P, S, Se, Te, F, Cl, etc. À côté des verres de silicates apparaissent donc, en nombre croissant, des verres non traditionnels.

2. La transition vitreuse

Considérons la variation de volume V (ou d’enthalpie H) que subit un liquide lorsqu’il est progressivement réfrigéré. Habituellement, lorsque la vitesse de refroidissement est suffisamment lente, tout liquide cristallise à une température Tf (fig. 1). Cependant, si l’abaissement de la température est assez rapide, nous avons vu qu’apparaît une compétition entre la cinétique de cristallisation et la cinétique de refroidissement, et celle-ci peut l’emporter sur celle-là, de telle sorte que la cristallisation ne puisse s’établir. L’état de liquide surfondu se maintient alors dans un certain domaine de températures. Puis, à une température Tg , se produit un changement dans la variation du volume en fonction de la température, correspondant au passage de l’état liquide surfondu à l’état vitreux; il révèle la transition vitreuse .

La température de cette transition n’est pas une constante, sa valeur dépend de la vitesse de refroidissement, et elle est d’autant plus élevée que cette vitesse est plus grande.

Certaines grandeurs, comme le volume spécifique, la masse volumique, l’enthalpie, l’indice de réfraction, présentent, en passant par Tg , un simple changement de pente dans leur évolution en fonction de la température. Au contraire, des quantités dérivées, telles que le coefficient de dilatation et la chaleur spécifique, ou la conductivité thermique, présentent une nette discontinuité en traversant Tg . Il en résulte que la transition vitreuse peut être déterminée par de nombreuses méthodes, les plus employées étant l’analyse thermique différentielle ou la dilatométrie. Mais, si la vitesse de variation de la température utilisée dans ces déterminations, à l’échauffement, est différente de celle qui est utilisée dans la formation du verre, donc au refroidissement, on obtiendra une valeur de Tg différente de celle qui correspond à la formation du verre. Ces données montrent l’intervention des facteurs cinétiques dans la transition vitreuse. Il faut cependant signaler que la nature de celle-ci a fait l’objet de nombreuses discussions, et que, si elle a pu être considérée comme une transition thermodynamique du second ordre par certains, il semble maintenant bien établi qu’elle résulte d’une compétition entre les cinétiques de plusieurs processus, et qu’elle présente un caractère de relaxation.

Par ailleurs, si l’on admet que le verre conserve, lors de sa formation, l’arrangement du liquide à la température Tg , il en résulte que la configuration du verre dépendra de la vitesse de refroidissement puisque celle du liquide varie progressivement avec la température. En particulier, le verre obtenu par trempe aura une structure plus «ouverte» que le verre obtenu par refroidissement lent. Cela est montré dans les verres formés par le sulfure d’arsenic ou le sulfure de germanium – ou encore par les séléniures correspondants – et contenant, comme modificateur, des cations Ag+, qui, lorsqu’on leur applique un champ électrique, ont la propriété d’être mobiles à l’intérieur des solides cristallins ou vitreux. La mobilité des cations Ag+ dépend, entre autres, de la compacité du verre, et est effectivement plus grande dans les verres obtenus par trempe que dans ceux, plus compacts, qui sont obtenus par refroidissement lent.

3. Propriétés thermodynamiques

À la transition vitreuse, la structure du liquide surfondu est figée. Le verre conserve donc un arrangement correspondant à une température relativement élevée. Son contenu d’entropie est supérieur à celui du produit cristallisé, car une certaine entropie excédentaire a été bloquée lors de la transition vitreuse; elle correspond au désordre configurationnel du liquide figé au moment de la formation du verre. L’énergie libre du verre est également supérieure à celle du solide cristallisé observé à la même température. Le verre n’est donc pas dans un état d’équilibre thermodynamique: c’est un système hors d’équilibre . Par extrapolation en deçà de la température de cristallisation, on peut déduire, à partir des fonctions thermodynamiques du liquide, celles du liquide surfondu; celui-ci est donc dans un état métastable. Par contre, les fonctions thermodynamiques du verre ne peuvent être obtenues de cette façon; elles ne peuvent être approchées qu’en faisant intervenir le caractère de relaxation de la transition vitreuse, et donc des paramètres cinétiques.

4. Structure des verres

Nous présenterons, pour commencer, un ensemble de données définissant les structures des verres d’oxydes. Puis nous étendrons ces conclusions à des verres non traditionnels dans lesquels l’oxygène est remplacé par un autre non-métal tel que S, Se, Te ou F. Les verres d’oxydes sont constitués d’un réseau tridimensionnel formé par les atomes d’oxygène et les atomes d’un semi-métal A, tels que Si, Ge, B, P, As... Contrairement aux réseaux tridimensionnels et périodiques des produits cristallisés, les réseaux des produits vitreux ne sont pas réguliers, et l’absence de périodicité qui les caractérise les rend peu compacts avec, en leur sein, des espaces vides ou lacunes. Dans ces lacunes sont insérés divers cations Bn +, tels que Na+, K+, Mg2+, Ca2+, Fe3+, etc.

Les atomes A, qui forment avec l’oxygène les réseaux vitreux tridimensionnels, sont appelés formateurs . Les cations Bn + situés dans les lacunes de ces réseaux sont appelés modificateurs .

Dès 1932, William Zachariasen a formulé un ensemble de règles, qui furent reprises et précisées une dizaine d’années plus tard par Bertram Warren. Ces règles, qui eurent une grande influence sur les recherches concernant les verres, peuvent être décrites de la façon suivante:

– Les atomes formateurs A sont relativement petits. Ils ne peuvent donc être entourés que par un petit nombre d’atomes d’oxygène: trois pour le bore ou l’arsenic, quatre pour le silicium et le germanium. Ces nombres représentent la coordinence de l’atome formateur A.

– Les atomes d’oxygène forment, autour de l’atome formateur A, des motifs structuraux caractéristiques: triangle pour la coordinence 3, tétraèdre pour la coordinence 4. Ces motifs préexistent dans l’état cristallisé. Dans les verres, ils ne sont jamais réguliers et présentent donc des distorsions plus ou moins grandes au sein d’un même réseau. Ce sont les unités structurales constitutives du réseau vitreux, désignées par (AOn ), où n est la coordinence de l’élément formateur.

– L’atome d’oxygène ne peut être lié à plus de deux atomes formateurs A. Il peut donc être mis en commun entre deux unités structurales voisines, ou peut n’appartenir qu’à une seule unité.

– Les unités structurales formées par l’oxygène autour des atomes formateurs A ne peuvent mettre en commun qu’un sommet, mais jamais d’arêtes ni de faces.

– Au moins 3 sommets de chaque unité sont partagés avec les unités voisines, réalisant ainsi un réseau tridimensionnel.

Ces règles sont vérifiées dans les verres formés par les oxydes simples A23, A2 ou A25, qui peuvent effectivement exister sous forme vitreuse même en l’absence de tout cation modificateur. Par exemple, B23, Si2, Ge2, P25 et As25 passent à l’état vitreux à la suite d’une fusion et d’un refroidissement convenable. Dans ce cas, tous les atomes d’oxygène sont liés à deux atomes formateurs (fig. 2).

Lorsqu’on applique ces règles aux verres usuels, faisant intervenir un cation modificateur à côté de l’atome formateur, il faut qu’un certain nombre d’atomes d’oxygène ne soient chacun liés qu’à un seul atome formateur A (fig. 3); la liaison rompue entraîne l’apparition d’une charge négative, destinée à compenser l’une des charges positives des cations modificateurs, de telles sorte que l’ensemble soit électriquement neutre.

Notons qu’un certain nombre d’éléments, dits intermédiaires , peuvent intervenir, parfois dans le même matériau, à la fois comme formateurs et comme modificateurs: tels sont Al, Pb, Zn, Cd, Ti, etc.

Les descriptions précédentes, destinées aux verres d’oxydes, sont encore valables pour des verres non traditionnels, tels que les verres de chalcogénures ou les verres de fluorures, dans lesquels l’oxygène est remplacé par un autre non-métal X, comme le soufre ou le sélénium, ou encore le fluor. Dans le cas des verres de chalcogénures, compte tenu de ce que les atomes S ou Se ont des dimensions supérieures à celle de l’atome d’oxygène, les atomes formateurs seront eux-mêmes plus volumineux: ce seront Ge au lieu de Si, As et Sb au lieu de P, ou encore Ga. Les modificateurs pourront être ceux des verres d’oxydes, mais certains cations plus volumineux pourront intervenir, tels que ceux, trivalents, des terres rares, en particulier La3+ ou Y3+. Dans les verres de sulfures ou de séléniures, les motifs structuraux autour des atomes formateurs sont généralement des tétraèdres (AS4) ou (ASe4), formés par quatre atomes de soufre ou de sélénium disposés autour de l’atome A qui est généralement un atome des groupes IIIA et IVA de la classification périodique. Ils peuvent également avoir la forme de pyramides à base triangulaire (AS3) ou (ASe3), dans lesquelles le sommet est occupé par un atome A appartenant au groupe VA et les trois sommets de base par des atomes de soufre ou de sélénium. Ces polyèdres obéissent aux règles de Zachariasen et, en particulier, s’associent les uns aux autres en ne partageant qu’un sommet S ou Se. Dans le cas des verres de fluorures, les éléments formateurs sont le plus souvent des métaux de valence élevée, relativement lourds: trivalents tels que Al, Ga, In, Fe, Cr, ou tétravalents tels que Zr ou Th. Les cations modificateurs sont, comme toujours, très variés: alcalino-terreux, éléments des terres rares, plomb, etc. À la différence des verres précédents, le polyèdre réalisé par le fluor autour de l’élément formateur est très variable: il peut être tétraédrique ou octaédrique dans le cas de Al ou Ga, ou présenter 7 ou 8 sommets avec les formateurs les plus volumineux comme Zr ou Th. Les assemblages de ces polyèdres suivent les règles de Zachariasen lorsqu’il s’agit de tétraèdres ou de triangles de non-métal; par contre, lorsque la coordinence du formateur est élevée, deux polyèdres voisins peuvent s’associer non seulement par mise en commun d’un sommet, mais par partage de 2 sommets, ce qui revient à mettre une arête en commun (fig. 4). Dans tous ces matériaux vitreux, l’élément formateur A est associé au non-métal O, S, Se, F par des liaisons principalement covalentes, ce qui explique la formation du réseau vitreux tridimensionnel. Par contre, entre l’élément modificateur et le non-métal, les liaisons sont principalement ioniques. Cependant, lorsqu’on remplace le fluor ou l’oxygène par le soufre ou le sélénium, ces dernières liaisons deviennent progressivement plus covalentes.

Le modèle structural des verres, issu principalement des travaux de Zachariasen et de Warren, doit maintenant, à la lueur de recherches effectuées à l’aide de la méthode E.X.A.F.S. (Extended X Ray Absorption Fire Structure), être légèrement retouché, principalement en ce qui concerne l’environnement des cations modificateurs. Dans le modèle précédent, la coordinence du cation modificateur n’était pas précisée; il semblait que ce cation s’insérait un peu comme il le pouvait, dans les interstices du réseau covalent constitué par l’élément formateur A et le non-métal X. On admettait seulement que ces cations recherchaient l’environnement habituellement observé dans les produits cristallisés correspondants. En réalité, nous savons maintenant que les cations modificateurs ont des environnements d’atomes de non-métal X relativement bien définis, qui paraissent dans certains cas être aussi homogènes, sinon plus, que ceux de l’état cristallin correspondant, tant sur le plan des distances interatomiques qu’à celui des coordinences (Greaves, 1982).

Alors que les verres d’oxydes et les verres de fluorures ne font intervenir de façon très générale que des mélanges de composés définis, il n’en est pas de même pour les verres de chalcogénures. En nous limitant aux verres binaires – mais le phénomène est semblable dans les verres de compositions plus complexes –, nous prendrons l’exemple des verres formés par le sélénium et l’arsenic. On peut obtenir des verres pour toute composition allant de Se pur à As0,6 Se0,4, et englobant donc les composés définis As2Se3 et AsSe (soit As0,40 Se0,60 et As0,5 Se0,5). Pour les teneurs plus riches en sélénium que As2Se3 interviennent des chaînes -Se-Se-Seou -(Se)n -. Pour la composition As2Se3, on a d’abord admis que tous les atomes de sélénium constituent les motifs triangulaires construits auprès de l’arsenic, et se comportent donc comme l’oxygène des verres d’oxydes A23:

Avec les compositions plus riches en arsenic, interviennent des liaisons:

Ainsi, c’est seulement pour la composition définie As2Se3 que les règles de Zachariasen seraient applicables. En réalité, il a été récemment montré pour As2S3 (et il en est certainement de même pour le séléniure) qu’à côté des groupements AsS3 se présentent, en faibles proportions, des groupements As-As et des chaînes de soufre. Cela va dans le sens d’un désordre relativement important au niveau des motifs structuraux (Yang et al.). Si l’on considère, de plus, les verres de tellurures, il faudra faire intervenir la possibilité d’une coordinence 3 pour le tellure, qui n’existait pas avec O, S, Se ou F. Dans ces conditions, les règles de Zachariasen sont inapplicables.

Les méthodes permettant d’atteindre la connaissance de la structure des verres se heurtent à la difficulté suivante: si les environnements immédiats des atomes formateurs et modificateurs peuvent être relativement bien connus – c’est-à-dire les arrangements des premiers voisins des atomes A et B –, il est beaucoup plus difficile d’obtenir une information sur les seconds voisins, et a fortiori sur les atomes éloignés. C’est par la comparaison de modèles théoriques avec les données expérimentales que l’on peut tenter une approche de ce problème. Par exemple, les spectres infrarouge ou Raman peuvent être comparés aux modèles obtenus à partir de calculs statistiques, tel le modèle de réseau désordonné continu proposé par Bell et Dean en 1972.

La détermination des premiers voisins – coordinence moyenne et distance interatomique moyenne, avec leur courbe de répartition – peut être obtenue par diffusion de rayons X, ou mieux par la méthode E.X.A.F.S., qui est développée depuis quelques années, et qui consiste à étudier la structure fine du spectre d’absorption X de chacun des éléments constitutifs, à condition que ceux-ci ne soient pas trop légers: c’est ainsi que cette méthode, appliquée aux verres de silicate, ne permet pas d’apprécier l’environnement de l’oxygène.

5. Propriétés des verres

L’intérêt fondamental des verres par rapport aux matériaux cristallisés ou aux monocristaux réside dans la possibilité de les obtenir dans de très larges domaines de compositions. Ils peuvent tolérer l’addition d’éléments étrangers dans des proportions telles que non seulement leurs propriétés physiques en sont profondément modifiées, mais aussi que de nouvelles propriétés apparaissent.

On peut ainsi élaborer des produits aux caractéristiques adaptées a priori à une application bien définie, en agissant sur la nature et la concentration des éléments en présence.

En optique

L’intérêt des verres repose, en dehors de leur souplesse de composition, sur leur isotropie et sur leur homogénéité de propriétés dans les trois dimensions de l’espace. De plus, lorsque l’état vitreux peut être obtenu à la suite de refroidissements peu rapides, on réalise des pièces de grande dimension. De façon classique, les verres de silicates sont utilisés pour fabriquer des lentilles, des prismes, des filtres, des objets de décoration. Plus récemment sont apparues des applications nouvelles, en recourant à des compositions spéciales. Des fenêtres transparentes , dans des régions définies du spectre optique, ont été réalisées par exemple dans le domaine du moyen infrarouge avec des verres de sulfures ou de séléniures.

Des verres d’indices de réfraction très divers , ou présentant des dispersions d’indice faible ou grande relativement aux verres crown ou flint classiques, sont toujours recherchés; on observe des indices et des dispersions élevés dans des verres de fluorosilicates, fluoroborates, fluorophosphates et dans des verres spéciaux de chalcogénures, ces derniers cessant cependant d’être transparents dans une partie ou dans la totalité du spectre visible.

Les verres photochromes changent de couleur par exposition à la lumière ultraviolette du rayonnement solaire; par exemple, des verres de silicates contenant des ions europium divalent Eu2+ et titane tétravalent Te4+, soumis à l’action de photons d’énergie convenable, sont le siège de la réaction:

et une coloration brune apparaît, due aux ions Ti3+; cette coloration disparaît peu à peu, lorsque le verre n’est plus soumis au rayonnement lumineux, par rétablissement de l’état initial.

Des verres photosensibles , contenant des ions Cu+ ou Ag+, permettent l’obtention de photographies: par exposition à la lumière ultraviolette, les ions sont réduits à l’état d’atomes neutres qui précipitent, en constituant des centres de nucléation; par un chauffage vers 500-600 0C, les cristaux se développent, réalisant ainsi l’équivalent du «développement» de la photographie classique, et conduisant à une image.

Les verres luminescents sont maintenant utilisés couramment dans les «tubes fluorescents»; dans ce cas, la lumière ultraviolette incidente provoque une transition électronique au sein d’un atome contenu dans le verre, qui retourne à l’état normal avec émission d’un photon situé dans le spectre visible; les cations des terres rares ont trouvé là de multiples applications.

Les verres lasers sont proches des précédents: dans ce cas, la lumière émise par fluorescence dans une première série de centres vient stimuler une seconde série qui émet à son tour une lumière monochromatique. Les verres lasers contiennent généralement des ions de terres rares, et en particulier le néodyme dans les verres de silicates alcalins et alcalino-terreux; ces lasers peuvent fournir des intensités lumineuses considérables, mais pendant un temps relativement bref en raison des phénomènes d’échauffement qu’ils subissent; ils donnent des émissions possédant une largeur d’émission plus grande que les lasers cristallins, pouvant être de 30 nm.

Nous citerons pour terminer la réalisation de fibres optiques , utilisant la réflexion totale du rayonnement lumineux sur la paroi d’une fibre de verre; dans la pratique, pour éliminer les influences externes qui peuvent conduire à des pertes de lumière, la fibre est gainée à l’aide d’une fine couche d’un second verre, d’indice inférieur à celui de la fibre, et la réflexion totale a lieu à l’interface entre les deux verres. De telles fibres, groupées en faisceau, permettent la transmission d’une image. Des fibres à très faible atténuation, et permettant donc la transmission d’informations à longue distance, ont été réalisées, pour des rayonnements visibles avec de la silice extrêmement pure, et dans le domaine du moyen infrarouge avec des verres de fluorozirconate de baryum.

En électricité

Les utilisations électrique des verres ne sont pas moins importantes que les précédentes. Une conductivité de type électronique est observée dans certains verres d’oxyde à base d’oxyde de vanadium V25, ou dans les verres de chalcogénures. Une conductivité de type ionique , qui repose sur la mobilité d’un ion au sein du verre soumis à un champ électrique, est observée dans les verres de silicates contenant des cations alcalins: Li+, Na+, dans les chalcogénures contenant des ions Ag+, dans les fluorures ou les fluorophosphates, où cette fois la conduction est assurée par l’anion -. Ces verres trouvent des applications en tant qu’électrolytes solides dans des batteries électriques, ou peuvent intervenir sous forme de films minces dans l’affichage électrochrome ou le stockage microscopique de l’énergie. Des effets de commutation, conduisant à la réalisation de «mémoires», ont été mis en évidence dans des verres de chalcogénures contenant par exemple les éléments As, Te, I ou As, Te, Si, Ge, sans cependant que des applications pratiques aient vu le jour.

Les vitrocéramiques

Un troisième grand domaine d’application des verres concerne les vitrocéramiques , dans lesquelles on réalise une cristallisation partielle des verres, à l’aide de traitements thermiques exactement appropriés. C’est ainsi que l’addition de fluorures Na2Si6 ou Na3A13 aux verres usuels, suivie d’une recuisson convenable, est utilisée depuis longtemps pour produire les verres opalins. Les caractéristiques des matériaux obtenus sont très différentes de celles des verres homogènes correspondants: les propriétés mécaniques, la résistance au choc thermique sont fortement améliorées et le caractère isolant électrique est nettement augmenté. De nombreuses applications reposent maintenant sur les vitrocéramiques, dans les domaines des matériaux isolants électriques, les radomes, la vaisselle et les dispositifs devant supporter des chocs thermiques, etc. Ces matériaux sont maintenant entrés dans la vie courante.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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